La gouvernance de la mobilité urbaine se réfère à l’ensemble des politiques, des institutions et des processus mis en place pour organiser et réguler les systèmes de transport dans les zones urbaines. Elle englobe la planification, la gestion et la coordination des divers modes de transport pour assurer une circulation fluide, sécurisée et durable des personnes et des biens au sein des villes. En Afrique, où les zones urbaines connaissent une croissance rapide, la mobilité urbaine devient un enjeu crucial pour le développement économique, social et environnemental.
Une mobilité urbaine efficace est essentielle en Afrique pour plusieurs raisons. Elle favorise l’accès aux emplois, à l’éducation et aux services de santé, réduit les inégalités socio-économiques et améliore la qualité de vie des populations. De plus, une bonne gestion de la mobilité urbaine peut contribuer à la réduction de la pollution, à la diminution des émissions de gaz à effet de serre et à la promotion de modes de transport plus durables. Face aux défis posés par la croissance démographique et l’urbanisation accélérée, il est impératif de mettre en place des modèles de gouvernance robustes et innovants pour répondre aux besoins de mobilité des populations africaines.
I. CONTEXTE DE LA MOBILITÉ URBAINE EN AFRIQUE
Problématiques spécifiques à la mobilité urbaine en Afrique
L’urbanisation rapide et souvent non contrôlée des villes africaines a engendré une série de défis spécifiques en matière de mobilité urbaine. Les infrastructures de transport existantes peinent à répondre à la demande croissante, conduisant à une congestion routière fréquente, des temps de déplacement prolongés et une augmentation des accidents de la route. De plus, de nombreuses villes africaines manquent de systèmes de transport public de masse bien développés, ce qui entraîne une dépendance excessive aux modes de transport informels tels que les minibus, les motos-taxis et les taxis partagés. Ces moyens de transport, bien que vitaux pour la mobilité quotidienne, sont souvent mal régulés et sont sources de nombreuses externalités négatives
Par ailleurs, l’inadéquation des infrastructures piétonnes et cyclables expose les piétons et les cyclistes à des risques élevés, limitant ainsi l’adoption de modes de transport plus durables et actifs. La pollution de l’air, exacerbée par les véhicules âgés et mal entretenus, constitue un autre problème majeur, affectant la santé publique et l’environnement. Enfin, les disparités socio-économiques accentuent les inégalités d’accès aux services de transport, les populations les plus pauvres étant souvent les plus touchées par l’inefficacité du système de transport urbain.
Besoins croissants en matière de transport urbain efficace
Face à ces défis, les besoins en matière de transport urbain efficace en Afrique ne cessent de croître. Avec une population urbaine en expansion rapide, estimée à doubler d’ici 2050, il est important de développer des systèmes de transport capables de répondre à cette demande. Les villes africaines doivent investir dans des infrastructures de transport modernes et résiliantes, incluant des réseaux de transport public de qualité, des routes bien entretenues, ainsi que des pistes cyclables et des trottoirs sécurisés.
L’amélioration de la mobilité urbaine nécessite également une approche intégrée et durable, privilégiant des solutions de transport respectueuses de l’environnement. Le développement de technologies de transport intelligentes, telles que les systèmes de gestion du trafic en temps réel et les applications de mobilité partagée, peut contribuer à optimiser l’utilisation des infrastructures existantes et à réduire la congestion.
De plus, la gouvernance de la mobilité urbaine doit inclure des politiques favorisant l’inclusion sociale, assurant un accès équitable aux services de transport pour tous les segments de la population. Cela implique la mise en place de tarifs abordables, des subventions pour les groupes vulnérables et l’amélioration de la sécurité des transports publics.
En somme, pour répondre aux besoins croissants en matière de transport urbain, les villes africaines doivent adopter des stratégies de gouvernance innovantes et collaboratives, mobilisant à la fois les ressources publiques et privées pour créer des systèmes de mobilité urbaine efficaces, durables et équitables.
II. MODÈLES DE GOUVERNANCE DE LA MOBILITÉ URBAINE
Quels sont les objectifs et défis rencontrés par les organismes de la mobilité urbaine
- Objectifs
- Réduire la congestion urbaine : L’objectif principal est de diminuer la circulation dense dans les villes où elles interviennent, facilitant ainsi les déplacements quotidiens.
- Améliorer la qualité de l’air : En réduisant le nombre de véhicules privés sur les routes et en favorisant l’utilisation de bus modernes et bien entretenus, les projets visent à diminuer les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique.
- Offrir un transport public fiable, abordable et efficace : Fournir une alternative de transport public rapide, économique et efficace pour les résidents, en remplacement des modes de transport informels souvent coûteux.
- Stimuler le développement économique : En facilitant l’accès aux emplois et aux services, les projets contribuent à la croissance économique des régions concernées.
- Défis
- Coût élevé de l’infrastructure et du financement : La construction et l’entretien des voies réservées et des stations représentent des investissements significatifs. Obtenir et gérer les fonds nécessaires est un défi majeur.
- Conflits avec les opérateurs de transport traditionnels : Les conducteurs de minibus et de taxis peuvent percevoir les nouveaux systèmes de transport comme une menace pour leurs revenus, entraînant des tensions.
- Maintenance et gestion des équipements : Assurer un entretien régulier et adéquat des bus et des infrastructures pour éviter les interruptions de service.
- Soutien communautaire et inclusion sociale : Gagner la confiance et l’adhésion des résidents pour utiliser le nouveau système de transport et garantir son accessibilité à toutes les couches de la population, y compris les plus vulnérables.
- Coordination entre les parties prenantes : Assurer une collaboration efficace entre les différents acteurs impliqués.
Modèle 1 : Le système de transport intégré de Dar es Salaam, Tanzanie
Découvrez TARA (Tanzania Roads Association)
L’Association des Routes de Tanzanie (TARA) est une ONG apolitique, à but non lucratif et non religieuse, fondée et enregistrée en République Unie de Tanzanie en 1991. Elle vise à promouvoir le développement d’un secteur de transport routier fiable en Tanzanie. TARA sert de plateforme d’échange de connaissances et d’expériences sur les routes, accessible aux entités publiques et privées du pays.
L’adhésion à TARA est ouverte aux entreprises publiques et privées spécialisées dans les routes, aux opérateurs de transport et leurs associations, aux fabricants, fournisseurs et opérateurs d’équipements de construction, aux institutions gouvernementales et nationales, aux institutions professionnelles et associations commerciales, aux établissements académiques, aux consultants et entrepreneurs, aux organismes de sécurité routière, aux compagnies pétrolières, aux compagnies d’assurance, ainsi qu’à toute personne intéressée par les routes et le transport routier. TARA propose quatre catégories d’adhésion : Membres Corporatifs, Professionnels, Ordinaires et Honoraires.
Qui sont les acteurs impliqués dans le DART ?
Le système de transport intégré de Dar es Salaam, connu sous le nom de Dar Rapid Transit (DART), est un exemple notable de gouvernance de la mobilité urbaine en Afrique.
Les principaux acteurs impliqués dans ce projet incluent :
- Le gouvernement tanzanien : À travers le ministère des Travaux publics, des Transports et des Communications, le gouvernement joue un rôle clé dans la planification et le financement du projet.
- La Banque mondiale : Fournit une partie du financement nécessaire pour la construction des infrastructures de transport.
- Les autorités locales de Dar es Salaam : Impliquées dans la mise en œuvre et la gestion quotidienne du système DART.
- Les opérateurs privés de transport : Contractés pour fournir les services de bus rapides sur les corridors désignés.
- Les citoyens : En tant qu’utilisateurs finaux, ils participent indirectement à travers les retours et les suggestions pour améliorer le service.
Quels résultats ont été obtenus ?
Depuis la mise en place du système DART à Dar es Salaam, plusieurs résultats positifs ont été observés :
- Réduction de la congestion : Le DART a permis de fluidifier le trafic sur les principaux corridors de la ville, réduisant les temps de trajet de manière significative. Par exemple, un aller-retour sur le corridor principal a été réduit de 90 minutes.
- Amélioration de la qualité de l’air : Grâce à la modernisation des bus et à la réduction de l’utilisation des véhicules personnels, les niveaux de pollution ont diminué. Le système BRT contribue également à rendre la ville plus attrayante avec des voies dédiées aux bus, des trottoirs élargis et des espaces pour la végétation.
- Accès amélioré au transport public : Le système DART offre désormais un accès fiable et abordable à un grand nombre de résidents, facilitant ainsi les déplacements quotidiens.
- Sécurité accrue : La gestion organisée du transport public a entraîné une diminution des accidents de la route, grâce à des infrastructures sécurisées telles que des stations surélevées et des voies exclusives pour les bus.
En conclusion, le modèle de gouvernance de la mobilité urbaine de Dar es Salaam à travers le système DART montre comment une planification intégrée et une collaboration efficace entre les parties prenantes peuvent améliorer significativement la mobilité urbaine dans une ville africaine en pleine croissance.
Modèle 2 : Le système de BRT (Bus Rapid Transit) de Lagos, Nigeria
Acteurs Impliqués
- Gouvernement de l’État de Lagos : Responsable de la planification et de la mise en œuvre du système BRT. L’État de Lagos joue un rôle central dans la supervision et la régulation du service.
- Lagos Metropolitan Area Transport Authority (LAMATA) : Cette autorité est chargée de la gestion et de l’administration du système BRT. LAMATA assure également la coordination entre les différents acteurs et veille à l’efficacité du service.
- Partenaires privés : Divers opérateurs privés sont impliqués dans la gestion quotidienne des bus BRT. Ils fournissent les véhicules et assurent leur maintenance.
- Communautés locales : Les résidents de Lagos sont des parties prenantes importantes, car leur utilisation et leur acceptation du système BRT sont capitales pour son succès.
Résultats Obtenus
A l’instar de la réduction de la congestion et de l’amélioration de la qualité de l’air observées avec le système de BRT de Dar es Salaam en Tanzanie, nous avons constaté d’autres avantages significatifs :
- Augmentation de l’accessibilité : Le BRT est devenu une option de transport plus accessible et abordable pour les résidents, permettant une meilleure mobilité au sein de la ville.
- Développement économique : Le système BRT a stimulé l’économie locale en améliorant l’accès aux zones d’activité commerciale et industrielle, créant ainsi de nouvelles opportunités économiques.
- Satisfaction des usagers : De nombreux utilisateurs ont exprimé leur satisfaction quant à la fiabilité et à l’efficacité du système BRT, ce qui a renforcé son adoption.
Intermodalité entre le BRT et le Métro de Lagos
En plus du BRT, Lagos a récemment introduit un système de métro, ce qui représente une avancée significative pour les infrastructures de transport de la ville. Cette introduction du métro est cruciale pour créer un système de transport intégré et intermodal, améliorant ainsi l’efficacité et la commodité pour les usagers.
- Complémentarité des Modes de Transport : Le BRT et le métro offrent des options de transport complémentaires, où le BRT peut couvrir des zones non desservies par le métro et vice versa. Cela permet une couverture plus vaste et réduit les lacunes dans le réseau de transport public.
- Intermodalité : Les stations de BRT et de métro sont conçues pour permettre des correspondances faciles entre les deux systèmes. Cela favorise une transition fluide entre les bus et les trains, améliorant l’accessibilité et réduisant les temps de trajet.
- Réduction de la Congestion : L’utilisation conjointe du BRT et du métro aide à décongestionner les routes en offrant des alternatives fiables et rapides aux véhicules privés. Cela contribue également à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
- Efficacité Économique : L’intermodalité entre le BRT et le métro optimise les ressources en transport et permet une répartition plus équilibrée des passagers, réduisant les coûts d’exploitation et augmentant l’efficacité globale du réseau de transport.
III. DÉFIS ET OPPORTUNITÉS
Principaux défis rencontrés dans la mise en œuvre des modèles de gouvernance
- Coût élevé de l’infrastructure
Les projets de transport en commun, tels que les systèmes BRT, les métros, demandent des investissements financiers considérables pour la construction des infrastructures, l’achat des véhicules, et l’entretien des équipements. Par exemple, le coût de la mise en place des voies réservées et des stations BRT peut être prohibitif pour de nombreuses villes africaines disposant de budgets limités.
- Conflits avec les acteurs existants
Les opérateurs de transport traditionnels, tels que les conducteurs de minibus et de taxis, peuvent percevoir les nouveaux systèmes de transport comme une menace à leurs revenus. Par exemple, à Lagos, des tensions ont émergé entre les conducteurs de minibus et les autorités en charge du BRT.
- Maintenance et gestion des équipements
Assurer un entretien régulier et adéquat des infrastructures et des véhicules peut être un défi majeur, entraînant des interruptions de service et une dégradation de la qualité. Par exemple, des interruptions fréquentes dans les services BRT dues à une mauvaise maintenance peuvent décourager les utilisateurs potentiels.
- Soutien communautaire
Obtenir l’adhésion des résidents et leur acceptation des nouveaux systèmes de transport est prépondérant pour leur succès. Par exemple, le manque de sensibilisation et d’éducation sur les avantages des systèmes BRT peut entraîner une faible adoption par le public.
Opportunités pour l’Amélioration de la Mobilité Urbaine en Afrique
- Expansion des infrastructures BRT
La mise en place de systèmes BRT dans d’autres grandes villes africaines peut aider à réduire la congestion et améliorer l’accès aux services essentiels. En conséquence, les habitants bénéficient de trajets plus rapides et plus fiables, améliorant ainsi leur qualité de vie.
- Intégration des modes de transport
La création de réseaux de transport intégrés qui combinent différents modes (bus, trains, vélos) peut optimiser la mobilité urbaine. Par exemple, une meilleure intégration facilite les correspondances et rend le transport public plus attractif. Cette intégration doit être à la fois physique et tarifaire.
- Promotion des transports écologiques
Promouvoir l’utilisation de véhicules électriques et de vélos peut réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorant ainsi la qualité de l’air et diminuant la dépendance aux combustibles fossiles.
- Développement de politiques de transport inclusives
Développer des politiques intégrant les besoins des personnes vulnérables comme les personnes âgées et handicapées favorise une mobilité plus équitable, renforçant ainsi la cohésion sociale et l’inclusion économique.
Conclusion
Dans le contexte de la mobilité urbaine en Afrique, nous avons identifié des défis significatifs tels que la congestion croissante et les besoins accrus en matière de transport efficace. Les modèles de gouvernance comme le Système de Transport Intégré de Dar es Salaam en Tanzanie et le Système BRT de Lagos au Nigeria illustrent des approches variées pour adresser ces défis, chacun avec ses succès et ses défis spécifiques.
Les principaux défis rencontrés incluent la résistance des opérateurs traditionnels et la nécessité d’une maintenance adéquate des infrastructures. Cependant, ces défis offrent également des opportunités pour améliorer la mobilité urbaine, telles que l’intégration de politiques favorisant une mobilité plus inclusive et durable, et la promotion de modes de transport alternatifs comme les véhicules électriques et les systèmes intégrés de transport.
Pour l’avenir, il est plus que nécessaire que les décideurs politiques en Afrique investissent dans des modèles de gouvernance flexibles et adaptatifs, répondant aux besoins spécifiques des villes tout en promouvant des solutions innovantes et durables pour une mobilité urbaine améliorée et équitable.
Webographie
- United Nations – Urbanization in Africa World Urbanization Prospects (https://population.un.org/wup/Publications/Files/WUP2018-Report.pdf)
- Global Opportunity Explorer| Dar es Salaam: First Bus Rapid Transit System in Eastern Africa[Global Opportunity Explorer